Par Jean-Louis Craenhals (en avril 2018, l'Assemblée Générale de l'AES a changer le terme "Supervision" en "Validation de l'agréation")
Article paru dans le TresSage 1 de janvier 2014.
«Devenir Sophrologue, c'est pas mal. Le rester, c'est encore mieux. Il est de ma responsabilité de mettre en place une supervision efficace de mon travail.» Clôture d'un mémoire existentiel de juin 2010.
Début 2010, le Conseil d'Administration (CA) de l'AES avait fixé comme objectif que chaque sophrologue référencé sur notre site devrait avoir été supervisé pour la fin 2013. Le moment est venu de tirer les enseignements de ce grand chantier qui a permis à 67 sophrologues de vivre cette supervision au cours d'un des 14 week-ends proposés pendant ces 4 années. Les séances de supervision ont été assurées par nos assistantes du centre de formation. Extrait d'une réflexion au cours d'une supervision :«Cela met du lien entre les générations de sophrologues.».
La Sophrologie, un corps vivant.
Que dire du long chemin de la sophrologie ? Regardons juste ce parcours à travers l'expérience de Brigitte Julien : lorsqu'elle commence ses premières séances avec Yves Davrou en 1979, seuls les trois premiers modules de la Relaxation Dynamique Caycedienne (RDC) existaient. La formation se terminait déjà par un cours supérieur (actuellement module 6). Elle l'a vécu en 1982 à Sitgès, près de Barcelone. Ensuite l'outil s'est affiné par l'avènement d'un quatrième module, puis d'un cinquième et, dans le désordre, l'apport de l'énergétique chinoise, du travail sur les émotions, sur les rêves éveillés, les énergies complémentaires, etc. Impossible de retranscrire en quelques lignes cette formidable histoire.
Le constat.
En 2006-2007, l'AES se lance dans un projet d'enregistrement de trois CD, un par « Intelligence », avec quatre séances sur chaque CD. Plusieurs membres volontaires constituent une équipe autour de notre présidente Brigitte Julien. Ces CD se sont faits un peu attendre car Brigitte s'est alors rendu compte que le niveau d'intégration de l'outil n'était pas uniforme pour tous. Prenant son courage à deux mains, elle a patiemment remis les membres de l'équipe à niveau pour que les séances des CD soient de qualité égale. Cela nécessita plus d'une année de travail avant de pouvoir passer aux enregistrements.
Mais, au fond, qu'en était-il des autres sophrologues? Comment s'assurer de la qualité et de l'harmonisation de la transmission?
Qualité et éthique.
Dans une interview de Brigitte accordée à un hebdomadaire belge en 1985 suite à la création du Conseil National Belge de la FEDS (sur les bases duquel l'AES a été créée), elle évoque déjà ce souci de «défendre le label de qualité de la sophrologie». Il perdure au sein de notre Association comme en témoigne cet extrait de la lettre envoyée aux membres en octobre dernier «cette nouvelle approche a été guidée par notre objectif continu de responsabilité et de volonté réaffirmée de garantir l’éthique de la Sophrologie Dynamique®, ainsi que sa juste transmission. Notre outil évolue comme nous et s’y ajuster fait partie de ce même processus. ».
La supervision et l'adhésion à notre code de déontologie forment un couple garantissant notre professionnalisme aux personnes qui nous sollicitent pour faire un petit bout de chemin sophrologique. Il renforce aussi notre crédibilité auprès des professionnels de santé notamment.
La supervision une balise dans l'intégration de l'outil.
Notre formation de sophrologue s'étend sur deux ans et six modules, à l'issue des quels notre Certification nous permet déjà de transmettre ce fabuleux outil.
Replaçons nous à cet instant, pour certains, cela fait deux années que nous nous frottons aux exercices, parfois en poussant jusqu'à l'intelligence intuitive. Puis, l'AES nous encourage à transmettre cet outil en nous invitant à être référencés sur son site six mois plus tard. Nous voilà donc, après ce parcours sur notre conscience, donnant des séances où nous permettons aux apprenants de travailler la leur. L'Association nous invite à affiner notre pratique en participant à des stages d'approfondissement, en refaisant l'un ou l'autre module ou encore en participant à un ajustement. Mais pour continuer à être référencés sur le listing, elle nous oblige à vivre une première supervision dans les trois années qui suivent l'obtention de notre diplôme. Une petite balise pour voir où nous en sommes dans l'intégration de l'outil. Puis nous poursuivrons notre chemin et tous les cinq ans nous serons invités à donner une séance sous l'oeil bienveillant de nos pairs.
Tout compte fait, n'est-ce pas le minimum pour que, malgré nos diversités humaines, nos clients ou patients puissent trouver une cohérence entre tous les sophrologues de l'AES ? Comme le disait Christian Stevins lorsque nous l'avons interviewé : «Cela renforce notre crédibilité. La supervision est une chance, même si c'est contraignant de devoir repasser tous les cinq ans. Mais c'est essentiel parce que l'outil doit évoluer, est en marche, est dynamique. C'est fondamental que les sophrologues suivent cette évolution.»
Participer à un groupe mensuel.
Comment suivre cette évolution? Nous venons de voir que pour un sophrologue fraîchement diplômé, l'AES propose certaines modalités, mais c'est aussi à nous d'aller chercher ce qui nous permettra de rester sur le fil de la Sophrologie Dynamique®. Sur Liège, Edith de Wouters organise des rencontres tous les deux mois. A Genappe, Anne-Chantal Nobels propose de vivre régulièrement des séances. Depuis le mois d'octobre 2013, sur les deux Woluwes, Raffaella Salerno et Jean-Louis Craenhals proposent une rencontre mensuelle entre sophrologues. L'objectif est d'y vivre une séance donnée par un des participants puis de partager les questionnements issus de notre pratique professionnelle autour d'une «auberge espagnole». Le sophrologue ayant donné la séance reçoit par ailleurs un écho empathique quant à la séance donnée. La dernière rencontre a porté, entre autres, sur la nécessité d'avoir ou non un thème pour mener une séance. Déjà en 1980, autour de Brigitte, un groupe de cinq jeunes sophrologues se réunissaient les premiers jeudis du mois afin d'échanger autour de leur pratique.
Du côté de la France.
Allons faire un petit tour vers Poitiers. Nous avons demandé à Thérèse Ragonneau comment cela se passe chez eux. Avant son décès, les sophrologues du Poitou allaient régulièrement suivre les évolutions chez Yves Davrou. A peine deux heures de route les séparaient. A partir de 2003 (décès d'Yves), et pendant cinq bonnes années, un petit groupe se retrouvait mensuellement sous l'impulsion de Thérèse. Il a fonctionné avec des modalités semblables à celles des rencontres sur les deux Woluwes. Selon Thérèse :«C'est normal, les gens créent à partir de l'outil qu'ils ont reçu. Est-ce qu'il n'y en a pas qui de temps en temps dérivent ? L'idée était de conserver la créativité, ne pas rester figés dans l'outil qu'Yves nous avait donné, mais vérifier quand même que nos créativités étaient bien dans la ligne de la sophrologie.».
La FEDS (équivalent de l'AES pour les Français) demande à ses adhérents de faire au moins un stage ou une remise à niveau tous les trois à cinq ans. Ceci nous a paru, en Belgique, insuffisant, d'où l'idée des supervisions.
En ce qui concerne les sophrologues dépendant d'un autre courant que le nôtre, nous n'avons pas d'informations précises.
Un pas plus loin, une supervision personnelle.
Comment allons-nous gérer notre pouvoir dans la relation d'aide? A ce sujet, vous trouverez un article intéressant de Pascal Gauthier dans le n°1 de la revue «Sophrologie, pratiques et perspectives» dont voici un extrait : «La tentative de voir les autres et soi-même "comme si c'est la première fois", n'élimine pas la projection d'attitudes et de sentiments inconscients. Une supervision psychologique peut aider à la compréhension de ce qui se "joue", pour acquérir la bonne distance ».
Plus particulièrement pour le thérapeute, il serait sans doute judicieux de voir comment la dynamique de l'archétype «guérisseur-blessé» se met en oeuvre dans notre pratique. Ici, nous rentrons dans le monde de C.G. Jung. En deux mots, le patient vient avec une blessure. Lorsqu'une résonance s'opère chez nous, il est important d'en prendre conscience. De façon schématique, nous pouvons avoir le même type de blessure dans notre ombre. Nous ne pourrons être guérisseur que si nous avons pris soin de notre propre blessure.
Ainsi, «un guide de haute montagne n'emmènera jamais des clients dans une traversée qu'il ne maîtrise pas».
En conclusion
Chaque sophrologue devrait ressentir à partir de quel moment il perd le fil.
Si nous avons d'autres cordes à notre arc que la sophrologie, qu'elles se nomment coaching, kinésiologie, libération des cuirasses, EFT, etc , prenons garde à ne pas faire de mélanges. Le chat doit rester un chat, même s'il y a des chats roux, des noirs, d'autres à longs poils, etc. Si cela devient un chien, ce n'est plus un chat.
Gardons notre autonomie pour savoir ce qui est bon pour nous afin d'être accompagné de façon agréable dans la maîtrise de ce fabuleux outil. Trouvons notre chemin entre contrainte et liberté.
Et vous comment faites-vous pour rester au goût du jour ? Envoyez-nous vos initiatives.