Quand le médecin pose le diagnostic


Article paru dans le TresSage 9 de décembre 2017.

 

Le Docteur Nathalie Tellier, spécialisée en médecine du stress, a accepté de répondre aux questions de Fabienne Denayer.

 

Comment définis-tu le burn out?

Le burn out est l’ultime étape des manifestations de stress chronique sur un organisme pendant souvent des années, provoquant une maladie avec des atteintes systémiques multiples.

Il a souvent été défini par des symptômes psychiques mais il est pour moi bien plus que cela. C’est une maladie de surcharge des systèmes neuroendocrinien et immunitaire avec toutes les manifestations physiques que ces troubles peuvent entraîner au niveau systémique.

Les troubles rencontrés seront souvent liés à de probables fragilités génétiques. Par conséquent, il est important de réaliser une anamnèse fouillée des antécédents médicaux personnels et familiaux.

 

Quels sont les principaux symptômes ?

Les symptômes psychiques sont surtout des troubles cognitifs et mnésiques, des insomnies, une fatigue intellectuelle, une hyperémotivité ou une forme de cynisme, une perte d’estime de soi.

Les atteintes physiques sont très liées à notre capital génétique (métabolique, immunitaire, biologique,…) mais habituellement, il existe une augmentation des risques cardio-vasculaires (AVC, troubles du rythme, angor et infarctus,…), un affaiblissement physique et une dégradation de l’état général, une diminution d’endurance, des douleurs musculo-squelettiques touchant surtout le haut du corps, des vertiges, des acouphènes, des céphalées, des troubles gastro-intestinaux et des surinfections fréquentes (ORL, urinaires, bronchiques,…).

Il semblerait aussi que le burn out soit malheureusement un facteur favorisant parmi d’autres l’apparition de tumeurs cancéreuses.

 

Quels sont les différents stades dans l’évolution de ce syndrome ?

Je ne parle du syndrome du burn out que dans le cas du “craquage” psychique et physique. Avant nous sommes dans une prévention primaire (épuisement émotionnel) et secondaire (dépersonnalisation) moments pendant lesquels doit se faire la prévention de la maladie burn out.

 

Quelles sont les avancées en neurosciences liées à cette pathologie ?

L’imagerie médicale nous a permis de constater des dégâts organiques : fonte de l’hippocampe et inflammation de l’amygdale (atteinte du cerveau limbique) avec une diminution de l’activité du préfrontal (cerveau d’évaluation).

Au niveau biologique, la découverte de cytokines intracérébrales, témoins d’une inflammation locale des neurones, nous permet de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre. Ces cytokines circulent : elles passent la barrière hémato-encéphalique (La barrière hémato-encéphalique est une barrière physiologique présente dans le cerveau, entre la circulation sanguine et le système nerveux central). A distance, elles vont stimuler à tort notre système immunitaire, là où notre organisme présente une faiblesse génétique, et provoquer d’autres inflammations locales avec à nouveau sécrétion de cytokines qui ne font qu’enfler le phénomène.

L’axe neuroendocrinien croise le système immunitaire au niveau des surrénales. C’est à ce niveau que les répercussions endocriniennes (sécrétions de cortisol,…) vont entraîner une certaine immunodéficience qui va elle-même en cascade provoquer des phénomènes inflammatoires, infectieux, auto-immuns et parfois cancéreux.

 

Quel accompagnement suggères-tu à tes patients atteints du burn out?

Tout d’abord, je les accueille dans mon cabinet qui doit devenir pour eux un refuge où ils peuvent déposer leurs souffrances sans aucun jugement (écoute empathique et congruence). Ensuite, je vérifie avec eux leur intégrité physique : description des symptômes, bilan médical complet, dépistages cancéreux, infectieux et immunologique (exclure toutes autres pathologies ou comorbidités).

Après un temps de repos complet indispensable (alitement !), ils sont suivis en parallèle par mes collègues de notre réseau interdisciplinaire en fonction de leurs possibilités physiques et psychiques mais aussi de leurs croyances et leur personnalité (psychothérapeutes de différentes écoles, sophrologues, coachs de vie et professionnel, ostéopathes, massothérapeutes, kinésiologues, nutritionnistes, …)

Tout au long de leur reconstruction, je leur assure un soutien inconditionnel : un soutien médical (traitements, arrêt de travail,…), un soutien administratif (coordination du dossier, contact avec la mutuelle, médecin de travail, médecin des assurances) et aussi un accompagnement thérapeutique de type TCC (Thérapie Comportementale et Cognitive), intégrative et humaniste.

 

Comment intègres-tu la sophrologie dans le processus de reconstruction ?

La sophrologie, je l’ai compris par expérience, doit être intégrée au plus vite dans cet accompagnement car elle permet au patient dès qu’il en a la force physique d’aller chercher en lui des compétences pour générer des dynamiques positives sur lesquelles il va pouvoir s’appuyer pour se reconstruire.

Elle permet l’accès à des mécanismes créatifs, positifs et constructifs (souvent méconnus par le patient) qui vont lui être utiles aussi bien pour sortir de cette phase d’écroulement qu’après dans sa nouvelle conception de vie avec un réel changement de paradigme.

En effet, on ne peut réellement sortir d’un burn out qu’en restaurant nos capacités de vie et de résilience et pour cela la sophrologie est un outil idéal.