Obstinée, grande Reine du royaume des Fourmis


Par Bernadette Devillet

 

Article paru dans le TresSage 6 de juin 2016.

 

Novembre 2015 : 1er congrès de sophrologie à Paris avec comme objectif « faire exister » le métier de sophrologue aujourd’hui.

Durant ces 2 jours, les orateurs ont mis à l’honneur, chacun suivant ses spécificités, tout le potentiel extraordinaire de notre outil sophro.

Ce qui a émergé de chaque partage, c’est la relation à la personne.

Etre aidant ! Pour soi ? Pour l’autre ?

Tous les intervenants sont unanimes : prendre soin de soi… pour prendre soin de l’autre.

Comment pouvons-nous vivre la relation avec l’autre de manière à ce que lui et moi puissions avancer vers plus d’humanité ?

Ce chemin, je vous propose de le parcourir en compagnie d’Obstinée, grande Reine du royaume des Fourmis.

 

Il était une fois, au pays des Fourmis, Obstinée, Reine de la Fourmilière Palace « MOIDABORD » classée 3 roumifs au célèbre guide des Logis Merveilleux.

Obstinée est fière de son royaume, de ses habitants les « Moifourmis » qui travaillent sans relâche ; elle croit que nulle part ailleurs ne peut exister une fourmilière plus belle, mieux organisée que la sienne.

Or, tandis que tout parait resplendissant, les Moifourmis (jeunes et moins jeunes), semblent souffrir d’un mal mystérieux. Disputes fréquentes, baisse de rendement, formations de clans, désintérêt total pour la communauté ; bref, il y a de l’orage dans l’air ! Pourtant, à la moindre occasion, Obstinée loue et flatte ses ouvrières croyant ainsi les fortifier, leur donner courage. En vain.

 

Aujourd’hui, à quelques semaines du jour « J », Obstinée a l’âme en trouble ; elle est en colère ; comment se classer « meilleure fourmilière » si les ouvrières n’en font qu’à leur tête, deviennent individualistes, ne se soucient plus les unes des autres ! Dans le labyrinthe de la fourmilière, elle marche vite en bougonnant, soupire fort pour passer sa colère ; plus elle pense à la situation, plus la colère gonfle en elle et plus elle sent son cœur se serrer.

Sans s’en rendre compte, elle franchit le petit portillon menant à la sortie.

 

« Bonjour ! », dit une voix.

Elle se retourna surprise et vit un vieux Scarabée qui la regardait.

Prise de panique, elle voulut fuir mais il la retint doucement.

- « Qui es-tu ? Que me veux-tu ? demanda Obstinée d’un ton glacial.

- A ta première question je réponds : Aimé, l’Ancien, de la chaleureuse famille des Scarabées ; à la seconde, je réponds : j’ai entendu ta colère. Bienvenue, repose-toi un peu, calme-toi et nous parlerons. Je suis là pour montrer le chemin à qui le cherche.

- Me calmer, dit Obstinée, me calmer ! Comment le puis-je ? Un mal mystérieux règne dans mon royaume ; c’est le chao et cela compromet grandement ma première place à l’élection de la meilleure fourmilière.

- Le mal mystérieux dont souffrent les ouvrières, toi seule a le remède mais là, tes yeux sont brouillés, tu ne vois pas clair répondit Aimé l’Ancien.

Tu es une belle âme, pleine de sagesse, de compassion et d’amour. Si tu te sens prise au piège, c’est parce que tu as créé ta propre prison. Il est temps de te libérer et d’autoriser les rythmes sacrés de la vie à s’écouler un peu plus à travers toi. Parfois, poursuit l’Ancien, le véritable but des choses est caché à notre vue ; une situation ne semble pas avoir de sens sur le moment, mais elle en aura prochainement. »

A ces propos, Obstinée est décontenancée ; personne ne lui avait encore parlé de la sorte. Ses parents lui avaient toujours enseigné que, pour dépasser toutes les difficultés, il fallait dominer, montrer son pouvoir, imposer à l’autre son chemin ; ainsi, elle serait toujours vainqueur. Elle s’effondra et pleura à chaudes larmes. Epuisée, elle s’endormit.

 

Le lendemain, quand Obstinée se réveilla, Aimé était là ; il l’avait veillée toute la nuit. Après s’être restaurée quelque peu et repris des forces, elle demanda : « Eclaire-moi sur le sentier de la Vie ! »

- « Je veux bien te donner certaines indications, dit Aimé, cependant, mes paroles s’évanouiront de suite car tu dois éprouver tout cela dans ton cœur et dans ta chair...

Sur ta route, tu feras beaucoup de rencontres ; tu souhaiteras peut-être changer le monde, les autres et peut-être toi-même. Ne cherche pas à t’en détourner car tu seras condamnée à revivre ce que tu auras fui. Je ne t’en dis pas plus. Va, suis cette route, là, devant toi. » et il disparut.

 

Comme le vieux scarabée l’avait prédit, un besoin irrésistible poussa Obstinée à mener ses premiers combats d’abord en voulant conquérir, modeler la réalité selon son désir. Elle s’insurgea contre tout ce qui pouvait la déranger, lui déplaire chez ses semblables. Elle chercha aussi à combattre ses imperfections, à changer tout ce qui ne lui plaisait pas en elle. Elle réussit à changer certaines choses mais d’autres lui résistèrent. Elle retrouva l’ivresse du conquérant mais pas l’apaisement du cœur.

 

Pendant ce temps, à MOIDABORD, flottait comme un air de changement.

Une fois la disparition d’Obstinée remarquée, les Moifourmis ne savaient plus où donner de la tête. Qu’allaient-elles devenir ? La peur envahit toute la communauté.

 

A quelques lieux de là, Obstinée rencontra à nouveau le vieux scarabée qui lui demanda : « Qu’as-tu appris sur ton chemin ? »

- « J’ai compris, répondit Obstinée, ce qui est en mon pouvoir et ce qui ne l’est pas ; que les autres ne sont pas la source de mes joies, de mes peines, de mes satisfactions et de mes déboires ; qu’il y a en moi des choses que je peux améliorer et d’autres qui me résistent et que c’est en moi que prennent racine toutes ces choses.

- C’est bien », dit l’Ancien.

 

- « Maintenant, avoua Obstinée, je suis fatiguée de combattre contre tout, contre tous, contre moi-même. Quand trouverai-je le repos ? J’ai envie de tout abandonner, de cesser le combat, de lâcher prise.

- C’est justement là ton prochain apprentissage, dit Aimé. Avant d’aller plus loin, de retrouver ton royaume, retourne-toi et contemple le chemin parcouru. »

 

Obstinée se retourna et vit dans le lointain flotter des messages comme : « Accepte-toi toi-même, accepte les autres, accepte le monde ».

« Quand on est dans le combat, expliqua l’Ancien, on devient aveugle ». Elle se remémora alors toutes les étapes franchies et prit conscience de ses défauts, ses ombres, ses peurs, ses limites, ses vieux démons. Elle prit conscience qu’en étant en accord avec elle-même, elle n’avait rien à reprocher aux autres, qu’elle pouvait accepter et aimer les habitants du Royaume tels qu’ils sont, que le monde n’est ni gai ni triste, qu'il est là, qu'il existe.

« Chaque défi offre l’opportunité de découvrir un sens profond de la vie ; chaque défi peut-être une passerelle vers quelque chose de plus beau », poursuivit Aimé.

 

Un profond sentiment de plénitude envahit Obstinée.

« Tu es prête maintenant à franchir le dernier seuil, annonça l’Ancien, celui de réveiller les cœurs endormis. Va ! » Et le vieux Scarabée disparut.

Obstinée rejoignit alors MOIDABORD. Toutes les ouvrières se réjouirent du retour de leur Reine, car sans elle, elles étaient perdues.

Obstinée choisit le jour de l’élection pour réunir toute son équipe autour d’un bon repas et ensemble, ils mirent en avant l’importance de prendre soin de soi, de prendre soin de l’autre ; elle avait pris conscience que la joie de vivre pleinement tenait plus dans la relation à soi et à l’autre que dans le fait d’avoir 3 Roumifs au guide des Logis.

 

De ce grand jour, naquit la revue : «Tress-Aimé » dont voici, en exclusivité, le résumé du 1er numéro:

 

Prendre soin de soi, c'est :

  • prendre en compte ses propres besoins pour éviter « d’utiliser » l’autre comme excuse pour s’oublier ;
  • écouter ce qui se vit au fond de nous, découvrir cette flamme qui a besoin d’être entretenue pour continuer à « illuminer » ;
  • accueillir et accepter ses propres limites, reconnaître que l’on a besoin de temps pour soi, de ressourcement, de déposer « ses bagages », s’enraciner dans l’ici et maintenant ;
  • accepter son impuissance, accepter de laisser l’autre suivre son chemin même si notre avis est différent ;
  • se remettre en question, reconnaître que nous avons le droit à l’erreur : elle sera transformée en expérience d’apprentissage car vouloir être parfait, le meilleur, ne s’autoriser aucune erreur, être conforme à ce que les autres attendent, être fort, nous fait oublier de laisser une large place à l’Etre (fourmi ou non).

Pour mieux prendre soin de l’Autre, mieux vaut :

  • avant tout, éviter d’instaurer une relation de contrôle, de pouvoir ;
  • l’accompagner sur son chemin en l’invitant à regarder ce qui est beau en lui, l’inviter à retrouver la pulsion de vie qui l’anime, l’aider à voir en lui tout le personnel qui s’y trouve ; être stimulateur de ressources !
  • donner de l’importance à ce qu’il partage, valoriser ce qu’il apporte à la relation, offrir une écoute chaleureuse, une présence « aimante », marcher à ses côtés.

De toute leur vie, les Moifourmis n’avaient jamais ressenti une telle chaleur. A mesure que les journées passaient, elles ressentaient de plus en plus la flamme de l’amour ; ce qui aida à faire tomber les écailles de leurs yeux. La vie fut remplie de lumière. Celles qui réussirent à se libérer de leur grand Moi purent ressentir la joie de la vie dans laquelle règne le Toi.